DICTIONNAIRE DES AUTEURS
Anderson (Poul). – L’orthographe de son prénom s’explique par ses ascendances scandinaves. Est cependant né aux États-Unis, en 1926. Après des études de physique – financées par la vente de ses premiers récits, et couronnées par un diplôme obtenu en 1948 –, s’est consacré à la carrière d’écrivain. Entre son premier récit, publié en 1944, et le numéro spécial que The Magazine of Fantasy and Science Fiction lui consacra en avril 1971, Poul Anderson a fait paraître 14 romans, 15 recueils de récits plus courts, 3 livres ne relevant pas de la science-fiction et 2 anthologies, en plus de ses récits dans les différents périodiques spécialisés. Un sens de l’épopée, sans équivalent dans la science-fiction, anime beaucoup de ses récits. Ceux-ci possèdent une vivacité dans l’action qui lui est propre, et qui marque en particulier les scènes de bataille, dans le mouvement desquelles aucun de ses confrères n’égale Poul Anderson. Cette qualité de mouvement est mise au service de combinaisons thématiques variées. Guardians of time (La Patrouille du Temps, 1955-1959) met en scène des hommes voyageant dans le passé afin d’en éliminer les occasions de « déraillements historiques ». The High Crusade (Les Croisés du Cosmos, 1960) exploite adroitement le motif du handicap que peut constituer une technologie trop avancée en face de primitifs résolus, ces derniers étant les habitants d’un village médiéval anglais. Algis Budrys a salué en lui « l’homme qui serait le mieux qualifié pour parler des classiques (de la science-fiction) », ajoutant qu’Anderson n’entreprend cette étude que pour mieux créer ses propres univers. Poul Anderson continue à être un des plus actifs parmi les auteurs américains de science-fiction, montrant une aisance égale dans les dimensions du roman et dans celles de la nouvelle, et continuant à gagner des prix Hugo et Nebula. Il ajoute à son cycle de l’« histoire du futur », dans laquelle les récits construits autour de Nicholas van Rijn et surtout de Dominic Flandry constituent des éléments unificateurs.
Bixby (Jerome). – Si les apparitions de Jerome Bixby dans les magazines de science-fiction sont rares, c’est parce que ce domaine ne représente qu’un des nombreux champs d’activité d’un personnage aux intérêts remarquablement variés. Né en 1923, Jerome Bixby commença une carrière de pianiste classique, et il a également composé de la musique de chambre. Il s’est en outre signalé dans le domaine de la peinture et a de plus travaillé comme rédacteur en chef de plusieurs périodiques, comme publiciste, ainsi que comme scénariste de télévision. C’est à son travail de scénariste, pour la télévision et pour le cinéma, qu’il consacre depuis plusieurs années la plus grande partie de son activité professionnelle.
Condit (Tom). – Dans le domaine de la science-fiction, cette signature ne paraît qu’une fois à un sommaire, avec celle de Katherine MacLean, pour le récit qui figure dans ce volume.
del Rey (Lester). – Né en 1915, d’ascendance partiellement espagnole, Ramon Feliz Sierra y Alvarez del Rey eut une jeunesse plus tumultueuse que la plupart des autres auteurs de science-fiction, tant par des conflits familiaux que du fait de problèmes psychologiques personnels. Son éducation a été irrégulière, et il a exercé une grande variété de métiers – dont ceux de vendeur de journaux, de charpentier, de steward de bateau et de restaurateur – avant de se lancer dans une carrière littéraire. Contrairement à la plupart de ses confrères, il ne s’est pas signalé par des romans, mais par un certain nombre de nouvelles mémorables, au milieu d’une production dont la diversité reflète, dans une certaine mesure, sa carrière mouvementée. Helen O’Loy (1938) fut chronologiquement une des premières présentations d’un robot acquérant des sentiments humains. Nerves (1942) raconte avec réalisme un accident dans une centrale nucléaire. For I am a jealous people (1954) est une variation iconoclaste sur le thème des dieux extra-terrestres. En 1971, il publia Pstalemate (Psi), un des romans majeurs sur le motif des pouvoirs extra-sensoriels. Lester del Rey a été critique de livres dans If et dans Analog, et il a déployé une activité considérable d’éditeur et d’anthologiste. En 1980, il a fait paraître The world of science-fiction 1926-1976, qui constitue un bon survol historique du domaine.
Galouye (Daniel Francis). – Journaliste dans le civil, pilote d’avions à réaction pendant la seconde guerre mondiale, Galouye (1920-1976) excellait dans l’exploitation minutieuse des conséquences détaillées d’une hypothèse choisie au départ, ainsi que dans les implications retournées de thèmes classiques. Dark universe (Le Monde aveugle, 1961) est l’évocation réaliste d’une société dont les membres vivent dans une obscurité totale, et ont de ce fait perdu l’habitude d’utiliser leur sens de la vue ; Lords of the psychon (Les Seigneurs des sphères, 1963) renouvelle le motif des envahisseurs dont les mobiles demeurent mystérieux faute d’une possibilité de communication avec les Terriens ; Simulacron 3 (1968) fait partager les problèmes d’un homme envoyé en mission dans un univers fictif et bientôt guetté par la folie. Philip K. Dick n’a pas fait mieux.
Harrison (Harry). – Né en 1925, Harry Harrison réalisa une transition unique en science-fiction : il est, en effet, le seul illustrateur devenu écrivain (et même rédacteur en chef de revues) dans ce domaine. Après des études d’arts graphiques, il devint dessinateur de bandes dessinées, et c’est avec ses illustrations que sa signature apparut d’abord dans les magazines spécialisés. Ses premiers récits furent publiés en 1951, et il se consacra bientôt à une activité littéraire, écrivant des récits policiers, des westerns, et des « confessions ». Il a longtemps résidé en Europe. Au cours de ces dernières années, Harry Harrison a réalisé une nouvelle transition, toujours à l’intérieur de la science-fiction : il a en effet compilé plusieurs anthologies, obtenant pour certaines d’entre elles (SF : Author’s choice, 1968-1974) les commentaires des auteurs respectifs. Cet intérêt pour l’étude de la science-fiction « à partir de l’intérieur » l’avait amené à publier en collaboration avec Brian W. Aldiss un éphémère mais remarquable magazine de critique littéraire, SF Horizons. Il collabora encore à plusieurs reprises avec Aldiss, faisant paraître neuf anthologies annuelles, Best sf : 1967 à… 1975, ainsi que Hell’s cartographers (1975), un recueil de textes autobiographiques par six auteurs de science-fiction, dont Aldiss et lui-même. L’activité inlassable de Harry Harrison est encore illustrée par l’anthologie qu’il a préparée des éditoriaux de John W. Campbell Jr, rédacteur en chef de la revue Astounding, devenue ultérieurement Analog.
Knight (Damon). – Né en 1922. Débuts en 1941. A raconté, dans The futurians (1977), ses expériences au sein du groupe d’amis new-yorkais qui vivaient plus ou moins en communauté et d’où devaient sortir plusieurs des principaux auteurs, éditeurs et anthologistes de sa génération. Se fait connaître en 1945 par un éreintement ultérieurement célèbre du Monde des non-A de van Vogt, alors à l’apogée de sa gloire. Professant que la science-fiction doit être jugée à ses qualités d’écriture comme le reste de la littérature, il devient un critique célèbre et la publication d’un recueil de ses articles (In Search of Wonder, 1956, édition complétée en 1967) fait figure d’événement. En tant qu’écrivain, il applique ses propres théories, produit assez peu et apporte beaucoup de soin à la composition de ses histoires. Dans les années 60, la « Nouvelle Vague » salue en lui un précurseur et son goût triomphe temporairement partout, ce qui lui vaut une belle carrière d’anthologiste commencée avec A century of Science Fiction (1962) et couronnée par la série des Orbit (deux recueils par an approximativement, depuis 1962) qui ne publie que des nouvelles originales et contribue avec les Dangerous visions de Harlan Ellison à implanter aux États-Unis le courant moderniste né en Angleterre. Depuis lors, Damon Knight a été moins actif comme écrivain et critique que comme anthologiste et animateur. Il organisa les Milford Science Fiction Writers Conférences, et contribua à la fondation de l’association des Science Fiction Writers of America dont il fut le premier président (1965-1966). Un numéro spécial lui a été consacré, en novembre 1976, par The Magazine of Fantasy and Science Fiction.
Kornbluth (Cyril M.). – Après avoir travaillé pour une agence de presse, C. M. Kornbluth (1922-1958) publia son premier récit en 1940 et se consacra à la science-fiction. Doué dès ses débuts d’une grande facilité, il put compenser les effets de la mobilisation de ses confrères plus âgés : il lui arriva en effet d’écrire pratiquement à lui seul, sous divers pseudonymes, des numéros entiers de certains périodiques dont les forces rédactionnelles avaient été « décimées » par les appels sous les drapeaux. Il commença en 1949 une deuxième carrière, écrivant cette fois sous son propre nom. Il collabora notamment avec Frederik Pohl, en particulier pour écrire The space merchants (Planète à gogos, 1953), roman devenu rapidement classique par son évocation de l’hypertrophie future de la publicité et de ses pouvoirs. C. M. Kornbluth avait une réputation de solitaire, au caractère renfermé, et ses nouvelles reflètent souvent une vision pessimiste du monde – ce pessimisme allant de l’ironie désinvolte à l’amertume mordante et désespérée. Les romans qu’il rédigea avec des collaborateurs – Frederik Pohl principalement, parfois Judith Merril – laissent souvent percer l’influence modératrice de leur co-auteur. Un récit qu’il avait écrit avec Frederik Pohl, The meeting, a reçu un Hugo comme meilleure histoire courte ex-aequo pour l’année 1973 – quinze ans après le décès de Kornbluth.
Le Guin (Ursula Kroeber). – Née en 1929, fille d’un anthropologiste, épouse d’un professeur d’histoire, Ursula Le Guin étudia les langues romanes, présentant une thèse sur Les Idées de la mort dans la poésie de Ronsard en 1952. Elle est venue relativement tard à la science-fiction, son premier roman notable étant Rocannon’s world (1966), récit d’un savant échoué sur une planète primitive, important pour l’esquisse du décor galactique sur lequel elle allait développer beaucoup de ses récits ultérieurs. Parmi ceux-ci, The left hand of darkness (La Main gauche de la nuit, 1969) gagna les prix Hugo et Nebula de l’année et imposa définitivement Ursula Le Guin parmi les auteurs principaux du genre. Ce roman met en scène un ethnologue qui visite une planète très froide dont les habitants humanoïdes sont ambisexués. En plus du soin avec lequel le décor était brossé, ce fut le style de l’auteur, aisé, fluide et profondément évocateur, qui attira l’attention. Comme The left hand of darkness, The dispossessed (Les Dépossédés, 1974) remporta les prix Hugo et Nebula ; ce récit allégorique au thème social est placé devant le même décor galactique que les deux autres romans précédemment mentionnés, mais son action est antérieure chronologiquement. Dans ce roman, Ursula Le Guin oppose un monde bâti sur le capitalisme à une société anarchique sans prononcer de jugement absolu. Parmi les autres romans d’Ursula Le Guin figure la trilogie Earthsea (Terremer, 1968-1972), qui raconte l’ascension d’un magicien dans une sorte d’archipel planétaire, sur une planète où la magie obéit à des lois déterminées. En 1979, Susan Wood a fait paraître un volume réunissant des essais écrits par Ursula Le Guin sur différents thèmes du fantastique et de la science-fiction, The language of the night.
MacLean (Katherine). – Travaillant comme laborantine dans un établissement de recherches, Katherine MacLean (qui est née en 1925) finança ses études au terme desquelles elle obtint un diplôme ès sciences économiques. Elle publia en 1949 son premier récit de science-fiction, et elle s’est maintenue depuis cette date parmi les plus estimables spécialistes du genre, puisant fréquemment ses sujets dans les deux domaines qu’elle a effectivement fréquentés. En général, elle reste fidèle à la rigueur scientifique en imaginant ses extrapolations. Dans Fantastic lives, un recueil de textes autobiographiques d’auteurs de science-fiction que Martin H. Greenberg a fait paraître en 1981, Katherine MacLean a raconté (Wight in space : An autobiographical sketch) comment elle a découvert ce domaine littéraire.
Phillips (Peter). – Né en 1920, Peter Phillips est un journaliste anglais qui a eu une carrière professionnelle variée : il fut notamment chroniqueur criminel, et aussi « rédactrice » (signant « Anne ») d’une page féminine. Il connut sa plus grande période de production littéraire entre 1948 et 1952, écrivant une trentaine de récits policiers et de nouvelles de science-fiction – souvent mémorables – qui firent de lui un auteur estimé aux États-Unis aussi bien qu’en Grande-Bretagne.
Saberhagen (Fred). – Auteur américain né en 1930. Collabora à l’Encyclopaedia Britannica (entre 1968 et 1973) et écrivit pour cet ouvrage l’article sur la science-fiction. En tant qu’auteur d’imagination, il fit sa première apparition dans Galaxy en 1961. Il est surtout connu pour son cycle de nouvelles sur les « Berserkers », qui sont de redoutables machines spatiales de guerre programmées pour s’attaquer à toute forme de vie organique. En 1978, dans The Holmes-Dracula file, il a imaginé la rencontre de ces deux célèbres personnages littéraires sur un fond de science-fiction.
Smith (Cordwainer). – Ce pseudonyme a dissimulé – de façon incontestablement efficace – l’identité de Paul Myron Anthony Linebarger (1913-1966), universitaire, polyglotte, expert en sciences politiques. Ses écrits principaux, dans le domaine professionnel, se rapportaient aux problèmes de la politique asiatique. Conseiller du Département d’État américain, partisan de la Chine nationaliste, Paul Linebarger était un lecteur insatiable (en sept langues) et ses lectures influencèrent les écrits de Cordwainer Smith. À partir de 1955, on trouve sous la plume de ce dernier des transpositions de mythes de l’Antiquité et de divers classiques littéraires, incorporées à la vision d’un empire galactique futur. Dans chaque récit particulier, Cordwainer Smith décrit rarement plus d’une époque ou d’une région limitée de cet empire : il évite les visions panoramiques et les survols historiques, mais il place invariablement quelques allusions aux thèmes d’autres récits. Cet univers est haut en couleurs, animé et envoûtant ; il est bien dommage que son créateur soit décédé avant d’avoir intégré en un ensemble suivi les aperçus qu’il nous en offrait, récit après récit.
Vance (Jack Holbrook). – Né en 1920, Jack Vance entreprit des études d’ingénieur, obtint un diplôme de physicien, puis se recycla dans le journalisme. Son premier récit fut publié en 1945. Auteur prolifique, il se spécialisa d’abord dans le space-opera de série comme The Big Planet (Planète géante, 1957). Le tournant vint avec The Languages of Pao (Les Langages de Pao, 1958) : dépaysement écologique et sociologique, goût baroque du factice et du déguisement, poésie de l’évasion et de l’aventure composent un univers beaucoup plus original qui se montre aussi bien dans l’heroic fantasy que dans le space-opera. Dans le premier genre, il donne de longs récits comme The Dragon Masters (Les Maîtres des Dragons, 1963) qui remporta un Hugo, ou des cycles de nouvelles comme celui de Cugel l’Astucieux (1965-1966) ; dans le second domaine, il publie des romans comme The Blue World (Un monde d’azur, 1966), mais surtout de longs cycles comme celui de Kirth Gerson, qui comprend The Star King (Le Prince des Étoiles, 1963-1964), The Killing Machine (La Machine à tuer, 1964) et The Palace of Love (Le Palais de l’amour, 1966-1967), ou celui de Tschaï, qui comprend City of the Chasch (Chasch, 1968), Servants of the Wankh (Wankh, 1969), The Dirdir (Dirdir, 1969) et The Pnume (Pnume, 1970). D’une manière générale, Jack Vance est un auteur dont la célébrité n’est pas à la mesure du talent ; cela tient, en partie, à la régularité même de ce talent, qui rend difficile la désignation d’œuvres marquantes dans une production quantitativement et surtout qualitativement importante.